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Rémi Lefebvre - Gauche : victoire électorale, défaite idéologique ?

En 2007, on se souvient de Nicolas Sarkozy évoquant Gramsci en disant qu'il avait mené une bataille idéologique et gagné l'hégémonie culturelle, ce qui l'avait mené à la victoire. En 2012, pouvons-nous dire que François Hollande a gagné une bataille idéologique ?

 

On entend beaucoup parler de la droitisation de la société française. Un sondage récent du Cevipof va dans ce sens, montrant que de plus en plus de Français seraient favorables à la peine de mort ou trouveraient qu'il y a trop d'immigrés. Si ces données sont fragiles, car l'opinion publique est volatile, il existe des tendances lourdes : la société française est vieillissante, et le déclassement est une peur et une réalité qui impacte sur les mentalités. Pour notre invité, il y a bien des tendances à la droitisation, mais pas de mouvement univoque. Et il faut rester méfiant vis-à-vis du discours sur la droitisation : il n'est pas neutre et, quand il émane du PS, sert bien souvent de prétexte à un recentrage politique.

 

François Hollande a été mal élu, avec un écart assez faible, alors même que Nicolas Sarkozy semblait gagner des voix à mesure qu'il durcissait son discours. Si l'électorat de Sarkozy en 2007 était inter-classiste, il est bien plus plus structuré et socialement homogène dans les élections de 2012. Globalement, les plus riches votent à droite ; les plus diplômés, eux, votent à gauche. Et l'abstention, grande gagnante chez les classes populaires, nuit surtout à la gauche. Rémi Lefebvre souligne que les réalités ouvrières multiples, la décollectivisation des pratiques populaires, l'éloignement des centres urbains où les partis sont mieux implantés, amoindrissent la conscience de classe. On trouve aujourd'hui chez les classes populaires le sentiment d'être lésés par les plus riches, mais aussi par les plus pauvres que soi.

 

Si l'on retrouve, dans une certaine mesure, un vote de classe, la droite progresse de façon notable sur le plan des valeurs. Que ce soit sur l'immigration, les Roms, le mariage pour tous, l'Islam, on observe une tendance de repli. Cela s'explique notamment par le contexte d'insécurité économique, qui met les citoyens sur la défensive. Cependant, la question du mariage pour tous révèle les limites de la droitisation : une majorité, certes moins forte qu'il y a peu, des Français y reste favorable. Si 80% des Français trouvent qu'il y a trop « d'assistanat », l'opinion est extrêmement favorable à la redistribution... Ce qui souligne à quel point la question posée n'est pas neutre et influe la réponse. Sur le thème du travail et de l'entreprise, les thèses du patronat, relayées par la presse et une partie des acteurs politiques, imprègnent la société, notamment à propos des charges patronales. Selon Rémi Lefebvre, une certaine aspiration au retour à l'ordre, une crispation de l'opinion sont indéniables.

 

Cependant, expliquer la droitisation par la seule crise économique serait restrictif. Là où, toute relative qu'elle soit, il y a droitisation, il y a défaite idéologique. Et donc une responsabilité politique de la gauche, qui laisse le soin à la droite de cliver. Notre invité en donne comme exemple les thèses de Terra Nova : selon lui, elles ne font qu'exprimer clairement ce que beaucoup de socialistes pensent tout bas. Même si nombre d'entre eux ne sont pas prêts à l'affirmer aujourd'hui, certains n'hésitent plus à dire, par exemple, que les classes sociales n'ont jamais existé, chose impensable il y a peu. Et cet abandon du terrain idéologique est largement responsable de la droitisation de la société française.

Il y a actuellement 1 réactions

  • Mobiliser sur la Fraternité

    Hello, Je partage cette analyse qui induit une mobilisation sur les valeurs de partage, d'hospitalité et de solidarité. Le combat sur les valeurs de gauche est crucial. Sans elles, les valeurs de fraternité, c'est l'espèce humaine qui est en péril entre les mâchoires du marché et l'indifférence des astéroïdes... Il faut convaincre l'opinion européenne donc française de l'urgence de redonner au politique toute sa force. Une force qui au lieu d'exclure et se refermer sur sa haine (FN) s'exprimerait dans un réseau internationaliste, solidaire, concret... Tout cela pour vous dire que le jour où Stéphane Hessel est mort, j'ai pris ma carte du parti. Bien fraternellement.

    Par JMP, le 28 février 2013 à 15:54.

 

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le 29 janvier 2013

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