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Dominique Bari - Où va la Chine après le 18e Congrès du PCC ?

Le 25 mars, le Lem recevait Dominique Bari, journaliste à l'Humanité, spécialiste de la Chine, auteur de Chine, la grande mutation (éditions sociales, 1997), co-auteur d'un numéro spécial de la Pensée sur la Chine à paraître prochainement.

 

Le 18e Congrès du PCC, ouvre une nouvelle page politique pour la Chine. Le contexte tendu, avec les scandales de corruption – l'affaire Bo Xilai notamment – la montée d'une colère populaire, les conflits sociaux autour des lois non respectées sur le travail appelaient des signes forts. Ces tensions, internationales, nationales et internes au parti rendaient nécessaire de reconstruire un consensus politique. La nouvelle direction est le fruit d'un renouvellement annoncé et important. Les sept membres du bureau politique – dont aucun n'est un leader historique – ont tous l'expérience du gouvernement. Leur feuille de route élaborée avec l'ancienne équipe est claire : exemplarité des cadres, poursuite de la sortie du sous-développement, modernisation de l'appareil productif, hausse du niveau de vie, concentration sur le développement du marché intérieur. Tels sont les axes du discours rassembleur sur le rêve chinois proposé par le nouveau président Xi Jinping.

 

Mouvement ouvrier

 

Le PCC prend conscience depuis quelques années de la contestation populaire face à la montée des inégalités, et cela se ressent dans le discours où réapparaissent les notions de justice sociale, de bien-être ; où apparaît l'idée d'une croissance durable, désormais inscrite dans les statuts du parti. Il faut dire que les nombreux conflits sociaux et les grèves de 2010 ont révélé un nouvel acteur : la classe ouvrière. La société chinoise est essentiellement rurale, avec une classe moyenne citadine qui s'est fortement développée. Ce qui est nouveau, c'est la deuxième génération ouvrière, coupée du travail de la terre et qui a pris, lors des dernière grèves, conscience d'elle-même. Cette génération, plus éduquée, mieux informée, est de plus en plus consciente de son exploitation. Ces éléments appelaient nécessairement une réaction politique. La province du Guangdong avait pris, à l'été 2012, un certain nombre de réglementations sur le travail et les droits syndicaux ; mais, le mode de fonctionnement par consensus en vigueur en Chine permet au patronat de faire pression : ces réglementations ont été modifiées à la baisse. Ajoutons qu'une loi votée n'est pas toujours une loi appliquée ; il faut qu'un vrai rapport de force le permette. Ces dispositions servent donc de levier aux ouvriers pour faire plier le patronat. Le mouvement ouvrier s'est structuré dans ce sens, et les grèves de 2010 ont permis de poser les jalons d'une structuration syndicale nouvelle.

 

Pistes de travail

 

Le climat est à l'écoute du mécontentement social, il s'agit maintenant d'y répondre politiquement. C'est le but affiché par la nouvelle direction. Le nouveau modèle de croissance ne doit pas être tourné exclusivement vers les exportations mais au contraire développer le marché intérieur. Pour cela, il faut que les Chinois puissent consommer. D'où une série d'objectifs : doublement des revenus d'ici 2020, extension et développement de la sécurité sociale, des retraites...

 

Si les questions sociales sont prises en compte, la question démocratique reste complexe. La contestation via les réseaux sociaux a permis la constitution d'une opinion publique, et la démocratisation est donc réfléchie par le pouvoir. Mise en avant d'un État de droit, indépendance de la justice, acceptation par le PCC de critiques pour améliorer sa gouvernance sont autant de pistes envisagées. Reste à construire une démocratie nouvelle... Démocratie consultative, suivant l'expérience de l'élaboration des lois sur le travail de 2008 ? Ou rôle plus actif des assemblées populaires à différents niveaux ? D'autres mécanismes sont envisageables : lettres de doléances, blogs ouverts dans les médias et sur les sites administratifs...

 

La Chine a déjà réussi à sortir de la pauvreté et à devenir une grande puissance. Elle doit maintenant assurer complètement son développement social. Pays en forte croissance dans un monde en crise, elle reprendre la place qui lui revient au niveau international. Et donc remettre en cause les normes mondiales qui ont été écrites par d'autres, et se positionner dans un monde qui se recompose pour jouer un rôle qui lui soit propre.

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Dominique Bari - Où va la Chine après le 18e Congrès du PCC ?

le 03 April 2013

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