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Jean-Pierre Dubois - Droits, démocratie, citoyenneté: la République en souffrance, le Politique à refonder

La crise que nous connaissons est le résultat d'une volonté politique vieille d'une quarantaine d'années : défaire méthodiquement les mécanismes de régulation du capitalisme financiarisé. Les réponses politiques et économiques à cette crise sont, en Europe, particulièrement dogmatiques, et les agences de notation elles-mêmes s'inquiètent des conséquences des politiques d'austérité qui montrent déjà leur nocivité : hausse du chômage, précarisation massive... Elles sont aussi la cause d'une crise démocratique brillamment résumée par Angela Merkel lorsqu'elle parle d'une « démocratie conforme au marché »... Des Parlements nationaux sous tutelle, un suffrage universel bafoué comme lors du référendum de 2005, le pouvoir de la Troïka sont des éléments de cette « Europe post-démocratique ».

 

Alternance et continuité politique

 

Pour notre invité, ce contexte est aggravé par la perte de l'hégémonie culturelle de la gauche – dont l'existence même fait débat – qui reposait essentiellement sur la croyance dans le progrès social. La droite décomplexée, le libéralisme de gauche, la continuité politique apparente entre gauche et droite, la gouvernance de plus en plus hors-sol donnent une vision dégradée de ce que l'on appelle « la classe politique ». Ce qui bien sûr, parce que ces constats s'imposent, ne peut qu'alimenter la crise démocratique et le rejet du politique, tout en profitant au « tous pourris » - ou au « qu'ils s'en aillent tous ». On n'attend plus grand chose des alternances. Bien sûr, le rythme change : si la droite fonce, la gauche, elle, mène une politique tout aussi libérale mais propose des atténuations. Avec une continuité de plus en plus assumée, en particulier sur les questions de sécurité. Quand des signes positifs sont envoyés – critique du tout carcéral, plus de familles en centre de rétention, pas de démantèlement de camps de Roms sans relogement – ils ne sont hélas pas suivis d'effets. Les signes forts qui caractériseraient une rupture politique sont non seulement absents sur le plan économique, mais encore sur le plan dit « sociétal »... C'est-à-dire que même sur des mesures qui, pour fortes qu'elles soient, n'entraîneraient pas de dépenses particulières, le gouvernement fait preuve d'un manque de combativité remarquable. Le mariage pour tous, le droit de vote des étrangers, les récépissés de contrôle d'identité en sont des exemples frappants.

 

Crise démocratique

 

Ce vide politique et idéologique ne fait qu'amplifier la déflagration Cahuzac. Même si cela ne reflète pas la réalité, on en retire une impression générale décourageante : il existe la France des Bettencourt et des Cahuzac. Cela ne fait qu'entériner cette idée qu'il existe une « classe politique », au mieux déconnectée, au pire ennemie du peuple. La crise dans laquelle s'enfonce aujourd'hui le gouvernement, entraînant une partie de la gauche, est aussi la conséquence d'un essoufflement démocratique dû au fonctionnement même de la Ve République, que notre invité qualifie de monarchie élective : sur les dix pays qui élisent directement le président, nous sommes le seul où il gouverne effectivement. Quand François Hollande annonce des mesures, ce sont presque systématiquement des décisions relevant des compétences du parlement ; les lois votées sont pour ainsi dire écrites par le gouvernement. Quelle perception peut donc avoir le peuple des parlementaires et de cette « classe politique » professionnelle, déconnectée et impuissante ? Comment rétablir une confiance et réhabiliter le politique ? Jean-Pierre Dubois propose quelques pistes de réflexions. La première d'entre elle devrait être une évidence : essayer de tenir ses engagements, et cesser de prendre le camp d'en face comme arbitre, comme l'étalon auquel mesurer les réussites du gouvernement de gauche. La seconde, affirmer que la citoyenneté est politique et sociale. Il est vital pour la gauche de refuser le simplisme : l’activité politique ne sera respectée qu'en étant respectable. On n'améliorera pas le climat, au contraire, en opposant un sauveur suprême à un monarque élu. La colère et l'indignation sont légitimes et nécessaires ; mais dans le meilleur des cas parfaitement inutiles voire dangereuses si elles ne sont pas accompagnées de propositions susceptibles de redonner espoir. Il est du devoir de la gauche de montrer qu'une autre politique, qu'une autre manière de faire de la politique est possible. Et le peuple est disposé et disponible pour cela ; l'envie d'intervenir est intacte. Reste à proposer des espaces, des occasions de le faire.

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Jean-Pierre Dubois - Droits, démocratie, citoyenneté: la République en souffrance, le Politique à refonder

le 18 April 2013

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