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Nonna Mayer - Précarité et rapport au politique

 
 

Les sondeurs nous ont habitué aux lectures de leurs résultats en fonction de différentes catégories. Nonna Mayer est venue nous présenter les résultats d'une enquête qui s'intéresse à la corrélation entre le niveau de précarité et le rapport au politique. Cette enquête, Votpauvr, combine des entretiens approfondis auprès de bénéficiaires de l'aide sociale notamment à Paris et à Saint Denis, et une enquête post électorale nationale, lors du scrutin présidentiel de 2012. Deux volets donc : un volet qualitatif qui s'appuie sur 119 entretiens menés dans le mois précédant l'élection auprès de personnes en situation de précarité (rencontrés à la Croix Rouge, aux Petits Frères des pauvres, au Secours islamique...) ; et un volet quantitatif représentatif de la population française. Au sein de ce deuxième volet, a été défini un indice de précarité conçu sur la base de onze questions fermées (Vivez-vous en couple ? Êtes-vous propriétaire de votre logement ? Êtes-vous allé au spectacle au cours des 12 derniers mois ? etc). L'ensemble des réponses donnent un score : le score EPICES (Évaluation de la Précarité et des Inégalités de santé dans les Centres d'Examens de Santé). Il varie entre 0 et 100, et on peut parler de précarité à partir de 30. Selon Nonna Mayer, 36 % des personnes inscrites sur les listes électorales sont précaires, sachant que cette inscription est plus rare chez les personnes les plus isolées... La précarité touche toutes les catégories de la société : on peut être pauvre sans être précaire et être précaire sans être pauvre : 52 % des ouvriers sont précaires, mais seulement 30 % des précaires sont ouvriers.

Le premier effet de la précarité sur le plan politique est un retrait qui varie selon le score. Si l'on divise l'échantillon en quintiles, c'est à dire cinq groupes au sein desquels le score moyen de précarité est de 2 (quintile 1), 11 (quintile 2), 21 (3), 33 (4) et 47 (5), on peut avoir une vision claire des corrélations. 75 % des sondés du premier quintile se déclarent contents du système, contre 40 % dans le dernier...

Un des enseignement est que le lien au politique est rarement rompu. Des personnes en très grande précarité ont une pensée politique, s'informent et suivent l'actualité. Ils connaissent et reconnaissent Sarkozy, Hollande et Le Pen. Une constante est le rejet massif de Nicolas Sarkozy, perçu comme le président des riches. Le vote Hollande est plus massif chez les plus précaires : les entretiens ont révélé que même si le lien au politique est distendu, reste l'idée que la gauche est du côté des démunis. Toujours est-il que dans les entretiens comme dans le sondage, le vote Hollande est un vote par défaut. Chez les plus précaires, Jean-Luc Mélenchon non plus ne fait pas l'unanimité : s'il est jugé drôle, il paraît trop archaïque et trop lié au Parti socialiste. Son résultat aux élections est à peu près homogène selon les niveaux de précarité. En revanche, Marine Le Pen suscite une forte sympathie et surtout chez les femmes. Mais sympathie ne signifie pas vote : nombreux sont ceux qui disent que s'ils ne glisseront pas le bulletin dans l'urne, il reconnaissent à Le Pen d'être « courageuse », « franche », et surtout de s'adresser au peuple. Elle donne confiance.

Ce ne sont pas les plus pauvres mais les plus précaires qui ont voté Front national. Et chez les précaires, fait nouveau, les femmes votent autant que les hommes pour Marine Le Pen. Les motivations sont diverses, mais un point commun unis les électeurs du FN : l'aspiration au retour d'un Etat fort et le rejet des immigrés. Si Marine Le Pen est clairement classée à l'extrême-droite, elle est vue comme plus modérée et moins raciste que son père.

Notons que les jeunes et les agriculteurs sont absents de l'enquête qualitative. Et que les jeunes, souvent démunis matériellement, votent à gauche, contrairement aux plus vieux qui sont, eux, démunis socialement. L'enseignement de cette enquête est également que le sentiment d'abandon très fort et qui pousse vers le Front national doit et peut être combattu, d'autant plus que le premier vivier du FN est un électorat de droite qui s'extrêmise. Les plus précaires, eux, votent massivement à gauche. Reste à ce que ce ne soit plus des votes sans illusion.

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le 28 October 2013

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