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Jacques Sapir - la crise et la zone euro

 

Si les sommes extraordinaires réinjectées dans le système bancaire par la BCE ont eu pour effet de détendre les taux d'intérêts, ces derniers ne sont pas pour autant redescendus à leur niveau d'avant crise, mais à celui de l'été 2011. Ne nous y trompons pas : la Grèce est bel et bien en défaut, et, si le mot n'est jamais prononcé, les banques l'ont intégré. Ce défaut organisé n'a rien réglé des problèmes de fond de la Grèce. Selon Jacques Sapir, la contraction du PIB va passer de 5% fin 2011 à 8 ou 9% en avril ou en mai. L'économie grecque, en partie arrêtée, en partie émigrée, ne permet pas de compter sur les recettes fiscales ; l'austérité, en brisant la consommation, appauvrit un Etat qui ne peut alors, sous la pression de la Troika, que renforcer encore et toujours l'austérité. L'intervention de la BCE, en pratique, ne fait que profiter aux banques, et si cela peut avoir non pas jugulé, mais ralenti la crise, il est certain que rien n'a été solutionné par cette injection massive de liquidité qui ne profite aucunement à l'économie réelle. Après la Grèce, l'Espagne, le Portugal puis l'Italie sont menacés. L'Espagne a des arriérés de paiement. De deux choses l'une : soit elle les consolide, et le déficit budgétaire passe de 6 à 14-15% du PIB, soit elle ne les consolide pas. Dans cette dernière hypothèse, les entreprises, non payées par l'Etat, ne payeront pas leurs fournisseurs, qui feront faillite. Dès juin ou juillet, les recettes fiscales peuvent s'effondrer, et avec elles l'économie du pays. C'est le même sort qui attend le Portugal : le déficit portugais est plus important que l'espagnol, et les deux économies sont interdépendantes. Si l'Espagne tombe, le Portugal suit. Le sort de l'Italie dépend des taux d'intérêts : avec une dette de 126% du PIB, un taux de 5% revient à payer 6% du PIB par an. La crise ne fait que souligner les défaillances structurelles de la zone euro. Au premier rang, il faut souligner la divergence parfois très forte des compétitivités de la zone ; qui s'accentue mécaniquement s'il n'y a pas de transferts budgétaires d'un pays à l'autre. Or, ces transferts ne sont pas à l'ordre du jour. D'une manière générale, Jacques Sapir souligne que les pays de la zone euro ont une croissance plus faible que les autres, et qu'au sein même de la zone, ceux qui s'en sortent le mieux sont aussi ceux qui contournent les règles (soutien économique aux entreprises via des niches fiscales...). Mais leur croissance, si elle est meilleure que celle d'autres pays, reste faible. L'austérité généralisée mène à la récession de la zone euro. L'Allemagne, seul pays dont l'économie est solide, n'est pas prête à se sacrifier pour sauver l'ensemble de la zone. Dans ce contexte, la zone euro ne peut qu'éclater : la Grèce va abandonner l'euro probablement entre l'été prochain et fin 2013. La crise, mais aussi la perte de crédibilité de la zone – déjà amorcée – va encore fragiliser les autres pays. Le risque est le phénomène de contagion : après la Grèce, ce pourrait être le tour du Portugal, puis de l'Espagne. Pour Jacques Sapir, les choix sont limités : une récession à priori illimitée et sans garantie de résultat ; le démentèlement désordonné ; le démentèlement ordonné. Ce dernier choix est selon lui le seul qui permettrait de sauvegarder quelques acquis, dont un fondamental : la coordination monétaire. L'explosion de la zone euro est inéluctable. La seule question qui se pose est de savoir si nous parviendrons à conserver des accords permettant d'échapper à une guerre des monnaies. Et le seul moyen d'y échapper, c'est une dissolution ordonnée. Si le diagnostic de Jacques Sapir fait concensus, les réponses font débat. Pour Frédéric Boccara et Yves Dimicoli, il importe de revoir en profondeur le rôle des institutions européennes – en particulier la BCE – pour corriger les défaillances structurelles de la zone. Jacques Sapir considère que ces réformes, si elles sont justes sur le fond, ne sont pas applicables assez rapidement : le laps de temps très court – quelques mois – nécessite une réaction très rapide. Ce à quoi il a été objecté que la sortie concertée de la zone n'était pas nécessairement plus rapide : les accords, les négociations à mener pour sauvegarder la coordination monétaire et préserver les pays de la spéculation sur les monnaies sont trop complexes pour permettre une action très réactive. En outre, se pose la question de la légitimité de la prise de décision : dans un cas, elle reposerait sur un ensemble élitiste (experts, dirigeants politiques) ; dans l'autre, elle serait le fruit d'un rapport de force dont le peuple serait partie prenante. Dans cette configuration, les idées que nous portons au débat, en trouvant une résonnance populaire, peut permettre non seulement au peuple d'être le moteur d'une modification nécessaire du système européen, mais encore de se réapproprier sa construction.

 

Jacques Sapir - la crise et la zone euro

le 27 mars 2012

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