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Stéphane Veyer - Changer le travail pour créer de l'emploi

Nous recevions Stéphane Veyer, entrepreneur-associé et gérant de Coopaname, une coopérative d'activité et d'emploi (CAE) créée dans les années 2000. Notre invité part du constat suivant : les années 90 sont marquées par des politiques très volontaristes de création d'entreprises. Ce sont les start up, les micro entreprises, les SARL à 1 euro : ces démarches de démocratisation de l'entrepreneuriat reposent sur l'idée que la création d'entreprises serait bonne pour l'économie ; c'est-à-dire sur rien, ce postulat n'ayant jamais été prouvé par la suite des événements. A titre d'exemple, il est bon de rappeler que si le nombre d’auto-entrepreneurs déclarés est extrêmement important, les chiffres d'affaire sont très faibles.

Coopaname est une réponse à la tendance croissante de favoriser les « micro » : micro-entreprises, micro-crédits, micro-revenus, micro-sécurité sociale... Le principe en est simple : il s'agit d'une coopérative qui accepte tout le monde, quel que soit son savoir-faire, et lui donne un statut de salarié ouvrant les droits à une protection sociale digne de ce nom. C'est là l'exact contre-pied du dogme individualiste : la possibilité d'intégrer les gens dans une grosse entreprise qu'ils peuvent s'approprier, ce qui permet notamment de les rattacher au régime général. Créer son emploi en lieu et place de créer son entreprise... Parmi les 600 salariés de Coopaname, on trouve évidement des chômeurs, mais aussi des salariés d'autres entreprises qui ne veulent plus d'un salariat classique qui entrave l'émancipation. Face à l'atomisation du monde du travail, on reconstitue de l'entreprise, pour se donner collectivement des solidarités inaccessibles au travailleur indépendant. C'est un salariat revisité, qui exclut les liens de subordination. Une nouvelle forme de mutualité, une mutualité du travail reste à inventer : on pourrait réfléchir à pousser plus loin encore ces solidarités en mutualisant les revenus, la formation, la protection par exemple. La mutualité de travail serait une sorte de « flexisécurité » le libéralisme en moins : il ne s'agit pas de simplement faciliter les entrées et les sorties du monde du travail, mais de construire ensemble un nouveau cadre de sécurité permettant une plus grande liberté de mouvement. Finalement, il s'agit d'une ébauche de réponse à une question loin d'être neuve : celle de l'abolition du salariat. Ce qui est développé ici, et avec les sociétés coopératives de manière plus générale, ce n'est ni le statut du privé, ni celui du public : c'est le privé collectif, c'est-à-dire une appropriation citoyenne.

Évidemment, la faiblesse des revenus est la même que celle des chiffres d'affaire des auto-entrepreneurs. La coopérative est un outil qui permet bien des choses, mais pas d'augmenter les revenus... En revanche, il est possible d'utiliser la coopérative pour faire baisser le coût de la vie, par exemple en créant une alternative à la banque. L'intérêt de Coopaname réside pour beaucoup dans cet aspect expérimental, ces tentatives de réponse à des problèmes concrets. Une chose est certaine : le monde et les outils financiers ne sont pas adaptés aux coopératives. C'est la question que doivent se poser les pouvoirs publics : quels outils forger pour favoriser des modes d'emploi et de production alternatifs ? Une première mesure serait de créer un statut propre, les scops étant pour l'instant juridiquement associées aux sociétés. Il faudrait également reconnaître une autonomie à l'associé. Pour l'instant, le statut de salarié prime sur les autres... Et, avec la crise, le moment est venu de poser ces différents débats. Parce qu'il faut penser l'alternative au capitalisme financiarisé, et parce que les esprits y sont prêts.

 

Stéphane Veyer - Changer le travail pour créer de l'emploi

le 27 novembre 2012

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